Le stratagème de l’aspirante semblait fonctionner. Dandolo commença à répondre d’une locution lente tandis que sa main semblait hésiter au-dessus des bâtonnets. Il la retira finalement pour la poser sur les tatouages ; abandon momentané de la partie. De toutes façons, Phé avait posé sa question car elle lui brûlait les lèvres et non pour réellement déconcentrer son adversaire de jonchets.
Elle l’écouta attentivement.
Un dos fin ? pensa t-elle…
Mais qu’est ce que c’est que ça ? … Ah un poisson ! L’aspirante regardait l’animal d’un autre œil, se demandant si ça pouvait être aussi bon que la truite. Phe adorait les truites mais elles la fuyaient… pas douée pour la pèche la pauvre berrichonne. Il fallait avouer que la spécialité de sa ville natale était le travail du bois… pour lequel en fin de compte elle n’était pas plus douée… Ce qu’elle préférait par-dessus tout, c’était s’occuper de ses vaches adorées.
Elle écouta la suite de l’explication de Dandolo et fronça les sourcils. Pourquoi diantre parlait il d’une déesse nommée Vénus ? Etait-il païen à croire ainsi à l’existence d’un autre Dieu que celui qui avait toujours été imposé à l’aspirante et contre lequel elle n’avait aucune possibilité d’émancipation? Pourtant l’homme était bien dans un ordre religieux… Phe ne comprenait plus.
Silence. Puis Dandolo s’attacha au second dessin tatoué sur son bras. L’animal décrit semblait tenir de l’imaginaire. Phe était un peu trop pragmatique pour croire vraiment en ces choses, ces histoires légendaires, ces animaux mystiques et autres faradelles. Mais la description faite par l’homme laissa rêveuse la demoiselle, replongée dans la féerie de son enfance, refuge de bien des déboires. Aussi, lorsque l’homme fit écrouler le tas de bâtonnets à son tour, l’aspirante fut surprise.
Retour à la réalité. Alors que Phe s’apprêtait à s’attaquer à la pyramide de brindilles emmêlées dressée devant elle, elle entendit des voix. Non pas qu’elle devenait folle, mais quelques personnes s’amassaient en effet à l’extérieur de la taverne. Elle s’affola.
Norf de norf ! La Grande Emissaire ! Ce doit être elle !Elle se leva d’un bond et s’empressa de ranger maladroitement les jonchets dans leur boite. Elle regarda gravement l’homme étonné face à elle.
Si elle me voit jouer ainsi, je vais encore avoir des ennuis.Phe énumérait mentalement : la bataille d’oreiller, la tentative de jets de cailloux par-dessus les murs pendant ma garde, aujourd'hui les jonchets...
Allons, pressons-nous, dit-elle à l’homme encore assis sur son siège comme une mère à son enfant,
rhabillons-nous et allons rejoindre Estelle Caroline.Phe bredouilla…après réflexion le mot « rhabiller » laissait supposer des choses qui n’avait pas lieu d’être. Rougisante, elle enfila sa cape rapidement, remis épée à sa ceinture et se pressa à la porte pour se rendre
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